lundi 26 octobre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - chapitre 6 : Poubelle, la vie

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Hector Boayeau vivait dans la rue. Pas depuis toujours. A force de vider des bouteilles de vin et de gnôle bon marché, il avait oublié précisément depuis quand. Il pensait que cela faisait bien une dizaine d'années qu'il avait élu domicile au pied du siège de La Société. Il avait pris cette décision à la suite d'un licenciement abusif suivi d'une dépression qui avait entraîné un divorce et une plongée dans un alcoolisme total... La Société l'avait viré et il avait décidé, alors qu'il était sans amour, sans travail et sans domicile de se planter en bas de sa tour. Au début, ce fut une forme de rébellion. Un moyen de montrer où pouvait mener le dévouement salarial. Il s'était installé sur la bouche d'aération à l'entrée du bâtiment et malgré le harcèlement des services de sécurité n'avait pas bougé d'un iota. Peu à peu, les salariés avaient déposé devant lui un peu de monnaie, des sandwichs, des magazines, de vieux vêtements et parfois même un coup de rouge... Hector Boayeau faisait maintenant partie du paysage et la direction avait trouvé que finalement sa présence apportait un côté humain à leur siège et sa colère s'était transformée en un traintrain tranquille.

Avec les années, Hector Boayeau avait exploré les alentours de la tour. Il avait notamment découvert le gigantesque local poubelles qui était devenu une chambre royale. Il fouillait régulièrement les bacs plein de déchets et y trouvait moult trésors : restes de repas, journaux du jour, lettres d'amour, messages d'insultes, calculatrices calculant encore, bijoux perdus... Il arrivait même, le week-end à monnayer certaines de ses trouvailles sur un marché clandestin niché sous un pilier du périphérique extérieur. Avec le temps, il s'était organisé une vie assez routinière. Il se levait tard le matin, roupillant et cuvant jusqu'à 11 h du matin. Puis, il filait dans les toilettes visiteurs du rez-de-chaussée de la tour. Comme il lui était impossible de passer par l'entrée principale, il entrait par un petit vasistas toujours ouvert pour éviter les mauvaises odeurs. Il faisait tranquillement sa toilette car il s'était rendu compte qu'aucun visiteur n'avait jamais d'envie pressante et qu'il était sans doute le seul utilisateur de ce local. A midi pétantes, il était à sa place, cueillant tous ceux qui sortaient déjeuner et qui pris soudainement de mauvaise conscience lui balançaient le contenu de leurs poches. Il avait remarqué qu'avant le déjeuner, l'estomac vide, le salarié était beaucoup plus généreux comme si les gargouillis de son ventre le rappelaient à l'ordre.

Ce matin-là, Hector dormait profondément, planqué entre deux containers, quand il entendit un bruit inhabituel dans le local. Il ne bougea pas, effrayé. Si on le tolérait devant la porte, personne ne savait qu'il logeait là. Et pour cause, ancien salarié du service de télésurveillance, il savait précisément où se trouvaient les caméras vidéo qui espionnaient les équipes et il avait su tout au long de ces années, les éviter avec art... Il resta immobile, retenant sa respiration tandis que plusieurs individus s'affairaient autour d'une imposante poubelle verte. Un bruit sourd vint conclure leurs mystérieux agissements. Dès qu'il entendit la porte claquer, Hector, compta jusqu'à 50 pour être sûr que personne ne reviendrait et sortit de sa tanière. Il ouvrit le couvercle du bac, sauta dedans et atterrit sur un gros tas à la fois mou et résistant. La chose était enveloppée dans un rouleau de moquette gris usé par les pieds de centaines d'employés traînant leurs savates vers leurs bureaux. Comme Hector avait le temps, il décida de voir ce qui se cachait au milieu du rouleau. A force d'acrobaties et de diverses ruses d'homme habitué à se débrouiller avec ce qu'il a, il atteignit le coeur du rouleau... Et ce qu'il vit le terrorisa : entre les morceaux de moquette était caché le corps d'un homme en slip kangourou tout sanguinolent. Sa gorge était tranchée et, vu l'état de son slip, débarrassé de ses parties génitales. Le visage de l'homme ne lui était pas inconnu mais il était incapable de remettre un nom sur ces traits. Alors qu'il était tétanisé, il eut soudain un flash terrifiant : et si La Société connaissait tout de sa petite vie tranquille et avait fermé les yeux au cas où... Au cas où, un jour, elle aurait à couvrir un meurtre. Un pauvre homme comme lui, licencié des années auparavant et revenu vivre sur les lieux même de son malheur, voilà un coupable idéal, sur-mesure…

Soudain, saisi par la terreur, il bondit hors de la poubelle, couvert du sang d'Armand Bitieux. Il poussa la porte du local sans se soucier de son allure, pensant uniquement à sauver sa peau. A peine dehors, il vit tomber à ses pieds en homme fort bien habillé. Il le reconnut, celui-là, immédiatement. C'était Bernard Cèlement. Des cadavres dans des rouleaux de moquette, une pluie de Président. Par réflexe purement humain, il se pencha pour secourir Cèlement. Il s’accroupit près du corps écrabouillé. Tâta son poignet tout tordu, ne sentit pas de pouls... Sans vraiment savoir pourquoi, il glissa sa main le long du buste inerte et ses doigts, par hasard, entrèrent dans la poche de la veste présidentielle, tombèrent sur un Blackberry étrangement encore entier, s'en emparèrent. Sur ce, Hector décida de s'enfuir pour de bon. Malheureusement, il se trouva pris dans le flot d'agents de sécurité sortant au pas de course de la tour et de salariés armés de téléphones portables prêts à photographier un mort. Prisonnier de la vague, il fût propulsé dans l'entrée désertée. Hector Boayaux fut pris de panique dans ce hall qu'il avait traversé si souvent, cartable en cuir à la main. Son esprit était incapable de prendre une décision raisonnée, envoyant un seul et unique message : « Fuis ». Les yeux d'Hector explorèrent le hall. Il vit alors la cage d'escalier barrée d'un panneau « sortie de secours ». Il prit cela comme un signe et fonça dans l'escalier. Au pas de course, il grimpa plusieurs étages sans les compter. A bout de souffle, il fit une pause sur un palier. Il poussa une porte, juste pour voir où il était. Déboucha dans un openspace vide. Vit des sacs et autres affaires personnelles abandonnées sans surveillance aux pieds de fauteuils de bureaux inoccupés. Se dit que c'était une aubaine. Fonça sur le premier cabas à sa portée de main. Tomba sur une lourde gamelle contenant sans doute un bon déjeuner et laissant échapper une délicieuse odeur de viande faisandée. Se dit qu'il n'avait pas mangé depuis longtemps et que s'il devait se planquer quelques jours ce casse-croûte serait plus utile qu'un portefeuille. Repartit dans l'escalier de secours son repas sous le bras et reprit son ascension.

Quelques marches plus haut, il rentra en collision avec Cindy Manche. Il la reconnut immédiatement ou, plutôt, reconnut son postérieur inoubliable qui dans le choc se retrouva posé sur son nez.


Hector Boayeau va-t-il profiter de la situation ?

La boîte bento a-t-elle résisté au choc de ces deux individus ?

Y-a-t-il des caméras de sécurité dans l'escalier de secours ?

Qu'est-devenue Eva Kanss ?

Vous le saurez en lisant le prochain épisode du Roman Feuilleton

lundi 19 octobre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - chapitre 5 : Le corbeau déploie ses ailes

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Tomber du 13e étage d'une tour, Bernard Cèlement ne s'y étais jamais préparé. Il s'était souvent senti pousser des ailes lorsqu'un contrat juteux venait d'être signé, qu'il avait réussi à mettre dans son lit une présentatrice télé, qu'il avait touché un gros chèque sous la table ou encore quand il calculait la courbe de croissance de son salaire sur les dix dernières années. Mais là, il avait beau se remémorer tous ces bons souvenirs, il sentait bien qu’aucun miracle ne se produirait : aucune aile dans le dos. Il lui sembla que la chute était longue. Il eut ainsi le temps de penser aux meilleurs moments passés dans La Société. A tout ce qu'il avait fait de bien pour elle : gel des salaires, augmentation des dividendes, contrôle des coûts, croissance des bénéfices, compression de la masse salariale, voitures de fonction pour les dirigeants, systèmes de sécurité et de contrôle du temps de travail optimisés, productivité en hausse... Tout ça c'était bien beau. Mais cela n'allait pas l'empêcher de s'écrabouiller sur le trottoir. Il eut un pincement au cœur. Mais avant d'exploser sur le bitume, il eut aussi une pensée positive : la relève était assurée avec Adam Longh. Son successeur qu'il avait formé pendant de longues années serait à la hauteur de la fonction. Il saurait perpétuer sa mémoire et sa stratégie d'expansion.

Cindy Manche n'en revenait pas : elle avait réussi à se débarrasser de son bourreau. Cela lui avait semblé si simple. Mais maintenant comment allait-elle quitter discrètement le bureau présidentiel. Il lui était impossible de ressortir par la grande porte. Elle eut soudain une idée de génie : elle allait expliquer que le Président s'était suicidé devant elle. Par les temps qui courraient, ce n'était pas idiot. La presse ne cessait de parler d'une vague de suicide d'employés. Pourquoi pas un Président ? Ce genre d'homme a le droit d'être au bout du rouleau, soumis à la pression des actionnaires, happé par la charge de travail qui l'éloigne de sa famille et de ses vrais amis. Elle se présenterait comme « la prise de conscience ». Oui, elle dirait que le Président l'avait convoquée, passionnée par sa théorie de la méditation transcendantale interurbaine et que lors de leur conversation, il avait pris conscience de ses erreurs de management. Tout à coup, comme écrasé par la culpabilité, il avait foncé tête baissée dans la baie. La suite, on la connaissait. Et si Hervé Yograin et Filipo Lisse tentaient de la tourmenter à nouveau, elle menacerait de révéler son enlèvement et de parler du corps sanguinolent d'Armand Bitieux sur la Jeep, au deuxième sous-sol.

Tout était réglé. Elle poussa donc un hurlement de circonstance.

Adam Longh entendit le cri de Cindy Manche qui perça portes et murs de l'étage présidentiel comme un énorme marteau piqueur. Il venait juste de décoller son oeil du trou de la serrure. Il avait assisté en live au vol plané de son Pygmalion. Une aubaine... Mais au même instant, il avait été informé d'un code 9 et se devait de descendre aux services sécurité pour mettre en place une stratégie de neutralisation d'une assistante visiblement trop curieuse.

Sur son Blackberry venait d'arriver une note sur le profil d'Eva Kanss soupçonnée de fouiner un peu trop... Il emprunta en urgence l'ascenseur présidentiel tout en s'interrogeant sur ce personnage et sur ses liens avec Cindy Manche. Complotaient-elles ? C'était tout à fait possible puisqu'elles passaient leurs journées face à face. Et pourtant, jusqu'à aujourd'hui, aucune caméra, ni aucun témoin n'avait signalé de comportements suspects. Se voyaient-elles après le bureau ? C'était peu probable... Grâce à une efficace politique de la rumeur, La Société avait réussi à convaincre ses employés que chacun de ses collègues était une ordure potentielle prête à lui piquer sa place ou, au moins, à aller se plaindre de son comportement auprès de la direction, mettant ainsi son emploi en péril. Cette politique s'était avérée extrêmement probante. Il avait suffi d'injecter des bruits de couloirs bien placés et le tour avait rapidement été joué. Il était à l'origine de ce système de la terreur très simple et peu coûteux qui lui avait rapporté le respect du Président. C'était à partir de là que Bernard Cèlement en avait fait son héritier. Il était donc sûr qu'Eva Kanss et Cindy Manche n'avaient pas comploté à l'extérieur de la Société. Il contacterait tout de même son informateur à la cantine, Nasser Virlasoupeux, pour vérifier si elles avaient déjeuné ensemble ces dernières semaines.

Amélie Berthé fut la première à réagir au mail d'Eva Kanss. Elle sentit sa chair se glacer et ses poils se dresser. Cette femme, c'est sûr, était une espionne à la solde de la direction générale. Qu'avait-elle fait pour qu'on essaye de la coincer en flagrant délit de caftage ? La Société était-elle en train de planifier un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi et, comme à son habitude, de préparer le terrain en donnant de bonnes raisons à ses salariés de partir sans trop réclamer d'indemnités ? Elle jeta un coup d'oeil à Eva Kanss. C'était certain : avec son beau maquillage, son regard de braise et son corps de rêve, cette femme-là devait sans doute voir plus loin que l'openspace. Elle décida donc de jeter son mail sans attendre.

Lucie Ferre, elle, n'eut pas la même réaction. Elle détestait Eva Kanss, ses grands airs et ses longues jambes. Elle s'empressa donc de transférer à son directeur ce mail inquisiteur accompagné du commentaire suivant : « Monsieur le Directeur, veuillez trouver ci-après un message de l'une de mes collègues d'openspace. Je trouve très déplacé de sa part de m'importuner dès le matin alors que nous sommes surchargés de travail et que notre priorité est de privilégier la productivité et non les curiosités personnelles. J'espère que vous pourrez intervenir afin que cesse très rapidement cette forme déguisée de harcèlement numérique. » Elle appuya sur « send ». Satisfaite.

La Société aimait les comportements positifs comme celui de Lucie Ferre. Surtout quand ils venaient corroborer un code 9. Hervé Yograin fut informé immédiatement de ce geste. Il en fit part à son tour via Blackberry à Adam Longh. Mais son bonheur fut de courte durée. Une sirène hurla dans son bureau, les voyants rouges se mirent à clignoter. Un code 10... Il cliqua sur l'écran de son ordinateur et vit ce que retransmettaient les caméras de surveillance extérieures : un corps aplati sur le trottoir. Le visage était complètement écrabouillé mais Hervé Yograin reconnut le costume de coupe italienne. Il n'y avait que Bernard Cèlement qui portait cette marque de sur-mesure transalpine. Le Président était mort.

Tout le monde était sur le pied de guerre. Les services de sécurité furent mobilisés en cordon pour éviter que quelqu'un ne touche le présidentiel cadavre. Les directeurs furent convoqués en cellule de crise. Les employés alertés par les sirènes coururent aux fenêtres pour admirer le spectacle. Le cri de Cindy aussi fort fut-il passa inaperçu. Et quand elle osa pousser la porte du bureau, elle constata que la voie vers l'escalier de secours était libre. Un miracle...

L'autre miracle concerna Eva Kanss qui, sans le savoir, eut droit à un répit. Pris au dépourvu par les sirènes, l'affolement des salariés et les appels répétés du conseil d'administration qui voulait nommer au plus vite un successeur à Bernard Cèlement pour éviter toute chute des cours de La Société à la bourse, Adam Longh dû rebrousser chemin. Le cas Kanss serait réglé plus tard...

Quel sort Adam Longh réserve-t-il à Eva Kanss ?

Qui Cindy Manche va-t-elle croiser dans l'escalier de secours ?

Bernard Cèlement est-il vraiment mort ?

Le pénis sectionné caché dans la bento box ne risque-t-il pas de très vite sentir mauvais et d'attirer l'attention des occupants de l'openspace ?

Vous le saurez en lisant le prochain épisode du Roman-Feuilleton du lundi.

lundi 12 octobre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - chapitre 4 : Baie des anges

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Entre Amélie Berthé et Lucie Ferre, le coeur d'Eva Kanss balançait. Qui serait son alliée pour la mener jusqu'au propriétaire du sexe sectionné maintenant bien enfermé dans sa boîte bento -ou du moins à celui ou celle qui le lui avait transmis- mais aussi à mettre la main sur Cindy Manche qui, décidément, ne se décidait pas à revenir à son bureau.

Et pour cause, Cindy Manche était face à Bernard Cèlement, Président de La Société, prêt à se débarrasser d'elle si elle ne lui laissait pas gracieusement exploiter sa méthode de méditation transcendantale interurbaine. Mais Cindy avait trop investi dans son projet : elle s'était vue, pendant des semaines, enfin libre, enfin débarrassée de la hiérarchie, prête à avancer vers des horizons nouveaux, détachée des entraves de La Société. Il lui était impossible de revenir en arrière, de renoncer à ses rêves. Et pourtant là, perturbée par la terrifiante silhouette impeccable de Bernard Cèlement, par son sourire carnassier, par son parfum élégant, par sa voix qui savait se faire tour à tour douce ou insistante, elle ne voyait que deux solutions : céder ou aller s'écraser 13 étages plus bas.

C'était sans compter sur la puissance incroyable du cerveau, sur la capacité de l'humain à se sortir des pires situations, à cet instinct de survie inouï évoqué souvent par les survivants des crashs d'avion, des tremblements de terre, de toutes les catastrophes auxquelles les pauvres hommes sont soumis. Il avait suffi d'un éclair. Un éclair de lumière venu d'un bâtiment voisin, sans doute une fenêtre ouverte ou fermée ayant heurté un rayon de soleil. Cet éclair avait atterri dans l'oeil de Cindy et engendré une série de réflexions fort utiles. C'était l'éclair de génie.

Cindy avait vite remarqué que le bureau de Bernard Cèlement n'était équipé d'aucune caméra. Ce qui semblait normal. On était ici dans le Saint des saints et il devait s'y passer des vertes et des pas mûres, à l'image de la situation de ce jour. Il n'y avait donc aucun témoin vidéo de cette rencontre. Et, il n'y avait donc aucune raison de ne pas se défendre. Pour Cindy, la seule solution envisageable était de faire subir à Bernard Cèlement le sort qu'il lui réservait. Elle sourit à l'idée de ce qu'elle allait faire...

Eva Kanss avait opté pour pile ou face. Elle balança une pièce de un euro sur son bureau. Face ce serait Lucie, pile Amélie. La pièce tomba en équilibre sur son clavier d'ordinateur. « Mince, cassé »... Eva voyait des signes partout. En plus de son comportement maniaque, c'était l'une de ses caractéristiques. Elle en conclut donc, qu'elle devait changer ses plans. La pièce lui montrait qu'elle ne pouvait faire un choix radical... C'était donc vers ses deux collègues qu'elle allait se tourner. Mais elle allait agir avec discrétion. D'abord, elle décida d'envoyer un mail aux deux assistantes. « Chères amies, je me pose quelques questions sur La Société, son histoire, le parcours de ses dirigeants, les rumeurs qui l'ont fait frémir... » Elle cliqua sur envoyer et respira un bon coup. Elle savait qu'elle venait de faire le bon choix.

A l'instant même où son mail quittait l'écran de son ordinateur pour traverser divers réseaux et serveurs, une machine bien entraînée détecta l'association dangereuse des mots La Société, dirigeants, rumeurs. Et plusieurs voyants rouges s'allumèrent au service sécurité de Hervé Yograin.

Cindy était prête. Elle sourit en fixant Bernard Cèlement. « Je n'ai pas le choix, je comprends, susurra-t-elle sensuellement. Je peux ? », fit-elle en ébauchant un mouvement pour se lever. Elle misait sur son charme. Et il agit. Bernard Cèlement avait été informé par ses services de surveillance que Cindy était équipée d'un postérieur enthousiasmant et il avait-là l'occasion de juger sur pièce.

Bernard Cèlement était un homme heureux. Il avait entre ses poings le pouvoir dont il avait toujours rêvé. A force de dîners en ville, de soirées mondaines, de SMS ciblés, de discours bien préparés, de poignées de mains tendues au bon moment, de saloperies dissimulées, de coups bas bien préparés, d'hypocrisie parfaitement distillée... il avait atteint le but qu'il s'était fixé le jour où il avait intégré son Ecole de Commerce. Devenir le maître d'une prestigieuse Société. Mais bien qu'il soit comblé, certains détails du quotidien lui échappaient. Certes, il fréquentait de charmantes starlettes télévisuelles prêtes à tout pour occuper le devant de la scène. Mais, souvent coincé au sommet, il passait à côté de certains plaisirs populaires comme le postérieur de certaines assistantes. Heureusement, qu'on le tenait au courant de ces détails cruciaux. Et l'arrière-train remarquable de Cindy Manche avait fait l'objet d'une note d'information interne.

Cindy Manche se leva donc mettant en valeur au mieux son atout majeur. Bernard Cèlement baissa alors sa garde pour admirer le chef d'oeuvre. C'est ce moment que Cindy choisit pour le pousser à travers la baie vitrée.

Ce que Cindy ignorait c'est que, par le trou de la serrure de la porte de communication entre son bureau et celui du Président, Adam Longh, Directeur général, adulé par le conseil d'administration pour ses indéniables qualités de cost cutter avait assisté à la scène. Il s'était bien gardé d'intervenir quand il avait vu Cindy Manche d'un geste habile balancer Bernard Cèlement à travers la vitre. Il s'était même dit : « Chouette ».

Une pensée immédiatement coupée par le bip de son BlackBerry : c'était un message des services de Hervé Yograin, un mail émanant de l'ordinateur d'une assistante de direction nommé Eva Kanss venait d'être classé en code 9, soit un degré avant le code 10... L'heure était grave.

Comment Cindy Manche va-t-elle sortir du bureau présidentiel ?

Bernard Cèlement va-t-il vraiment s'écraser 13 étages plus bas ?

Que mijote Adam Longh ?

Eva Kanss va-t-elle finir dans les bureaux de Hervé Yograin ?

Vous le saurez en lisant le prochain épisode du Roman-Feuilleton du lundi

lundi 5 octobre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - chapitre 3 : Eva t'en guerre

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Un sexe d'homme dans une boîte bento, Eva Kanss n'en revenait pas. Mais elle n'était pas née de la dernière pluie. Une Argentino-allemande conçue à la frontière du Chili, sait se taire quand il le faut. Elle referma le couvercle de sa gamelle. Mais au lieu de ranger son déjeuner dans le frigo commun de l'openspace, elle le glissa dans son cabas. Elle avait cependant un peu peur. A qui appartenait la chose ? Et surtout, qui l'avait posé sur sa salade de graines germées ? Lui en voulait-on ? Ou, au contraire, était-ce une déclaration ? Les questions se bousculaient dans sa tête... Elle s'assit confortablement dans son fauteuil de bureau, alluma son ordinateur et fit semblant de lire quelques courriers électroniques à l'écran. Les yeux perdus dans la machine, elle réfléchissait à la situation. Elle prit soudain conscience que Cindy Manche n'était pas à son poste. Ce n'était pas d'elle. D'autant que son sac était là, en évidence sur son bureau.

Cindy Manche et le sexe d'homme sectionné étaient-ils liés d'une manière ou d'une autre ? Elle décida qu'il y avait de fortes chances. Eva Kanss était la reine des décisions. Elle ne perdait jamais de temps en réflexions à rallonge, elle agissait. Elle jeta donc un regard autour d'elle. Constata que toutes les assistantes étaient absorbées dans leurs missions matinales, se leva rapidement, s'empara aussi vite du sac de Cindy et revint à son poste.

A l’intérieur du sac, il y avait le matériel habituel de toute assistante de direction : bloc-notes, stylo à bille, téléphone portable, poudrier, brosse à cheveux, agenda, clés… Mais il y avait aussi une grosse pochette fermée par des élastiques. Quand Eva Kanss l’ouvrit, elle sentit qu’elle tenait là une bonne piste. A l’intérieur, il y avait un dossier très détaillé sur la méditation transcendantale interurbaine. Eva Kanss ignorait bien sûr de quoi il s’agissait mais en parcourant rapidement les documents, elle comprit qu’il s’agissait là d’une méthode révolutionnaire de gestion du stress pour urbains utilisateurs des transports en commun. Le comptage de pellicules était au centre de ces recherches. S’ajoutait au descriptif, un plan de financement, un autre de communication et bien d’autres papier liés à la création d’une auto-entreprise.

Pour Eva Kanss, la chose était claire : si Cindy Manche n’était pas à son bureau, c’était qu’elle était en train de négocier son départ pour se lancer dans une aventure individuelle. Mais que venait faire dans sa salade un pénis sectionné ? La question restait entière.

Pendant qu’Eva se triturait les méninges, Filipo Lisse arrachait le gros scotch qui obturait la bouche de Cindy Manche. Puis il détacha le foulard qui lui bandait les yeux. Quand la lumière réveilla les pupilles de Cindy, elle se sentit tout de suite mieux. Puis, elle réalisa qu’elle était au 13e étage de la tour. Celui qui abritait les bureaux de la Présidence. Elle le savait car c’était le seul niveau avec de grandes baies vitrées qui vous donnaient l’impression de flotter dans le ciel de la ville, au-dessus de tout. Et là, c’était son cas. Son regard se perdit dans les nuages, au-delà des toits des autres immeubles. Très vite, cependant, elle tourna la tête attirée par un bruit de tissu. Elle vit alors l’imposante silhouette de Bernard Cèlement, Président Directeur Général de La Société. Bien sûr, elle ne l’avait jamais vu « en vrai ». Uniquement sur les documents institutionnels généreusement distribués au personnel : lettre interne, journal externe, cartes de vœux, avis de décès…Il y avait toujours la photo de Bernard Cèlement, en pieds, dans son costume de coupe italienne, un large sourire barrant son visage carré, toujours bronzé.

« Impossible de donner un âge à cet homme », songea Cindy. Ce fut l’unique pensée qu’elle eut avant que Filipo Lisse et Hervé Yograin quittent la pièce et ne la laissent en tête-à-tête avec le Président.

Bernard Cèlement s’approcha de Cindy. Si près, qu’elle sentit son parfum délicat et vit à travers le tissu de sa chemise le dessin léger de quelques poils. Quand son visage fut à quelques centimètres du sien, il sourit. Et ce sourire lui fit l’effet d’un coup de couteau en plein cœur. Une douleur immense transperça son corps : elle savait qu’elle était perdue. Cet homme allait lui voler son projet et se débarrasser d’elle.

La voix profonde et douce surgit alors de la gorge de Bernard Cèlement.

« Mademoiselle Manche, je suis ravie de vous rencontrer enfin. J’entends beaucoup parler de vous ces derniers temps. Et surtout, de votre travail sur la méditation transcendantale interurbaine. Brillant, je crois. Et très utile pour nous en ces temps de crise. Je vais donc être direct. Si vous souhaitez éviter la prison –je vous rappelle que vous avez assassiné Armand Bitieux, même si, certes, vous avez des circonstances atténuantes : nous savons tous qu’il vous harcelait sexuellement comme d’autres assistantes de la direction- il vous suffit de nous offrir votre projet. Plus concrètement de nous l’abandonner. De ne jamais réclamer quoique ce soit sur l’application de votre méthode. De ne rien revendiquer. Bref, d’oublier que vous êtes à l’origine de ce programme de management révolutionnaire. En clair, de vous asseoir dessus. ».

Dans un élan de courage extraordinaire, Cindy hurla « Jamais ! »

Le sourire barra à nouveau le visage du Président. « En fait, je crois que vous n’avez pas le choix. Car vous ne finirez même pas en prison. Je n’ai pas de temps à perdre dans des procès et des enquêtes : j’ai une entreprise à conduire vers les bénéfices, moi. J’ai des actionnaires qui attendent des résultats, moi. Vous n’avez pas le choix. Pour aller droit au but, soit vous acceptez ce deal, soit vous traversez la baie vitrée dans quelques minutes… »

Tandis que le cerveau de Cindy Manche marchait à toute vitesse, celui d’Eva Kanss analysait les éléments de ce début de journée calmement, un à un. Elle en arriva à la conclusion qu’il se passait quelque chose d’assez nauséabond dans La Société. Mais elle était incapable de savoir quoi. Il fallait qu’elle trouve de l’aide auprès de l’une de ses collègues plus anciennes –cela ne faisait que 5 ans, qu’elle occupait ce poste et elle ignorait tout de l’histoire de cette entreprise. Il lui fallait une ancienne, au fait du passif de La Société. Il fallait qu’elle sache si d’autres pénis avaient été retrouvés dans une gamelle, si d’autres assistantes de direction avaient disparu pour monter leurs propres sociétés. Elle jeta un coup d’œil circulaire à l’openspace. Elle avait deux options. Solliciter Amélie Berthé, assistante de la direction de la production, en poste depuis 25 ans. Ou bien, s’appuyer sur Lucie Ferre, assistante de la direction des achats, à cette place depuis la nuit des temps, disait-on en ricanant devant la machine à café. Toutes deux semblaient de confiance. Mais dans un souci de discrétion, Eva Kanss ne devait se choisir qu’une alliée. Et la bonne…

Cindy Manche va-t-elle passer par la baie vitrée ?

Eva Kanss va-t-elle enfin trouver le propriétaire du pénis sectionné ?

Qui d’Amélie Berthé ou de Lucie Ferre est la bonne alliée ?

Vous le saurez dans le prochain épisode du Roman feuilleton du lundi.



 
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