lundi 2 novembre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - Chapitre 7 : Patron mais pas trop

Si vous n'avez pas lu les épisodes précédents, découvrez les dans la colonne de droite

Cindy Manche en entrant en collision avec Hector Boayeau poussa un hurlement strident. Elle avait beau avoir opté pour une attitude zen, le déroulement de la matinée l'avait poussée à bout. Des propositions malhonnêtes, un crime au deuxième sous-sol, un enlèvement, la défenestration d'un Président et, maintenant, un accident d'escalier. Cela faisait beaucoup pour une assistante jusqu'alors sans histoire.

Elle ne laissa donc pas longtemps son postérieur sur le nez de l'homme qu'elle venait de heurter violemment. Elle se leva d'un bond, prête à riposter, certaine que sous ses fessiers, se trouvait un bras armé de Hervé Yograin, prêt à tout pour se débarrasser d'elle. Elle fut donc très surprise en se redressant de voir le visage du clochard qui campait quotidiennement au pied de la tour. De nombreuses histoires circulaient sur son compte. La rumeur la plus crédible était qu'il s'agissait d'un ancien salarié de La Société, licencié abusivement, et venu se venger en s'installant devant le siège. Avec le temps, tout le monde s'était habitué à sa présence : elle se souvenait même lui avoir régulièrement jeté quelques pièces. Il la regardait avec des yeux de chien battu, complètement sonné et l'air vraiment perdu.

Un instant -et car depuis son arrivée ce matin, elle avait compris que tout était possible dans ce bâtiment, oui, elle apprenait vite-, elle songea que l'homme était peut-être un agent de sécurité à la solde de Hervé Yograin, posté à l'entrée des bureaux, déguisé en sans domicile fixe, dans le but de gagner la confiance des employés et d’espionner leurs allers et venus. Elle décida donc, malgré l'affection qu'elle avait spontanément pour cet homme, de se méfier. Son coeur battait la chamade. Elle ne savait pas vraiment comment agir.

Heureusement, en inspectant l'individu encore vautré sur les marches, elle découvrit sur son pauvre pull élimé, des centaines de petites peaux blanches... Des pellicules, enfin ! L'occasion idéale pour mettre en pratique ses théories de méditation transcendantale interurbaine. Elle allait pouvoir se renconcentrer, remettre ses chakras sur une voie plus sereine, se retrouver, renouer avec son vrai moi. Bref faire le point. Avec une agilité cérébrale à nulle autre pareille, elle se mit à compter les vieilles peaux mortes. Au bout de vingt, elle se sentait déjà beaucoup mieux. Arrivée à cinquante, elle était une femme forte. Et c'est en comptabilisant la centième qu'elle se sentit invincible. Et il en restait encore un sacré paquet à dénombrer... Cependant, elle s'arrêta là. Car jamais auparavant, et malgré un entraînement intensif, elle n'avait ressenti cette impression de plénitude absolue. C'était une nouvelle révélation : sa méthode était non seulement efficace en terme d 'épanouissement personnel et de management mais aussi idéale pour gérer les crises les plus rudes. Cela signifiait que le potentiel de sa méthode était immense, notamment en cas d'attaque terroriste, de guerre et autre apocalypse. Il fallait qu'elle contacte au plus vite la sécurité nationale, le ministère de la défense voire le président de la république pour lui vendre son programme. Encore du pain sur la planche ! Mais, dans l'immédiat, elle devait prendre son problème à bras le corps : découvrir la véritable mission de ce clochard.

Alors que Cindy était en pleine renaissance, Eva Kanss avait suivi le flot de salariés affolés ou attirés par le sang, elle se trouvait maintenant à quelques mètres du corps raplapla de Bernard Cèlement. Hervé Yograin avait sécurisé la zone de l'accident. Mais malgré le cordon, on pouvait clairement voir le cadavre aplati sur le bitume. Eva Kanss se demandait si l'entre-jambe du Président était au complet. Malheureusement, compte tenu de sa position, du mouvement de la foule qui commençait à s'exciter, des rondes des agents de sécurité, il lui était impossible de tirer des conclusions à ce sujet. Ceci dit, cet accident lui permettait d'échaffauder de nouvelles hypothèses. Quelqu'un de mal intentionné avait pu, dans un moment d'égarement, sectionner le sexe de Bernard Cèlement et ce dernier, aveuglé par la douleur s'était d'abord trainé dans son bureau, cherchant de l'aide mais souffrant trop pour avoir l'énergie de hurler, puis, à bout de forces, perdu, avait traversé la baie vitrée de son bureau en tentant de s'échapper. Le coupeur de queue avait eu le temps de prendre l'ascenseur et de déposer dans la première gamelle en vue, le morceau de virilité découpé. Cela tenait la route.

Eva Kanns, perdue dans son échaffaudage d'hypothèse ne remarqua pas le regard inquisiteur d'Adam Longh qui faisait à cet instant même son entrée sur les lieux de l'incident. Grace aux précieux renseignements transmis via son Blackberry, il avait pu repérer en quelques secondes Eva Kanss. Et le regard concentré qu'il surprit lui fit présager du pire : cette fille mijotait bien quelque chose. Pour le moment, il avait d'autres chats à fouetter. Dans son oreillette, Philippe Odevain, conseiller spécial et secret de La Société, lui soufflait la stratégie de crise adoptée en urgence avec l'accord du conseil d'administration. Pour éviter toute enquête extérieure et utiliser au mieux ce malheureux accident, il avait suggéré de maquiller le vol plané en suicide. Il avait ainsi, écrit un sublime mot d'adieux. Car, en plus d'être conseiller de crise, il savait à merveille imiter toutes sortes d'écritures. Et ce don, qu'il avait entretenu et même développé avec soin, lui valait d'être courtisé par de nombreuses entreprises et structures ayant besoin de modifier en urgence d'importants contrats ou des lettres cruciales sans laisser de traces... ll avait bien d'autres talents qui lui avaient permis de se faire une belle réputation dans de nombreux milieux très différents. Mais à ce moment là, précisément, il était à 100 % avec La Société et il avait composé une prose qui aurait arraché des larmes à un guerilleros sud américain, un affranchi sicilien, un dictateur africain, un parrain russe et même à un patron du CAC40.

Son idée était tout simplement géniale ! Dans son message d'adieu, Bernard Cèlement expliquait son acte en mettant en avant la pression exercée par les salariés sur sa personne : demandes incessantes d'augmentations de salaires, insurrections lors de licenciements massifs, montée au créneau des syndicats lors d'annonces de gel des primes. Lui qui, comme l'ensemble des Présidents d'entreprises, pensait au développement de sa structure tout en prenant en compte l'épanouissement de ses équipes, n'en pouvait tout simplement plus de ces tensions sociales. Et comme un acte symbolique, au nom de tous les Présidents harcelés par leurs salariés follement exigeants, pour mettre fins à ces pressions, il avait décidé d'en finir.

Tandis qu'Adam Longh répétait, mégaphone à la main , à la foule des salariés, les mots que lui soufflait Philippe Odevain dans son oreillette, la lettre de Bernard Cèlement était photocopiée à des milliers d'exemplaires, adressée par mails et courriers et accompagnée d'un dossier sur l'urgence de sauver les Présidents, à l'ensemble des médias. La campagne de sensibilisation à la situation catastrophique du patronat était en marche. Philippe Odevain venait de faire un sacré coup !

Dans l'escalier bien insonorisé, Cindy Manche et Hector Boayeau se regardaient en chien de faïence. Jusqu'à ce que les yeux de Cindy soient attirés par une boîte bento renversée quelques marches plus bas. Elle reconnut immédiatement la gamelle de sa collègue de bureau Eva Kanss. Que venait faire cette chose ici ?

« C'est vous qui avait transporté ça ? », demanda Cindy à Hector.

L'homme fut pris au dépourvu, il n'était pas dans ses habitudes de voler. Mais le choc de la découverte du corps dans la poubelle et sa fuite dans la tour l'avaient complètement chamboulé. Poussé par l'instinct de survie qui finalement le caractérisait, il avait piqué le casse-croûte en vue d'une planque ou de toute autre événement l'obligeant à rester caché. Il avoua donc son crime d'un mouvement de tête.

« Cette boîte est à vous ? »

« Non, fit-il tout doucement. Je l'ai prise dans l'un des bureaux désertés. Si elle vous appartient, ne m'en veuillez pas. J'ai été pris d'un moment de folie. Je suis complètement désorienté. Elle a encore l'air en bon état. »

Sous l'oeil attentif de Cindy, il se pencha pour attraper la boîte et la lui rendre mais alors qu'il allait la saisir, le couvercle fragilisé par la chute se détacha et le sexe couvert de graines germées dégringola...


Cindy Manche va-t-elle réussir à reconstituer le puzzle du sexe sectionné ?

La vue du pénis faisandé va-t-elle faire basculer Hector Boayeau dans la folie et le cannibalisme ?

Les médias vont-ils mordre à l'hameçon de Philippe Odevain ?

Eva Kanss va-t-elle enfin arriver à échafauder une hypothèse qui tienne

la route ?

Vous le saurez en lisant le prochain épisode du Roman-Feuilleton du lundi.

1 commentaire:

  1. J'en veux encore, je serais prêt à sucrer le week end pour être plus vite lundi…
    Merci, Vanessa Meudit

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