lundi 9 novembre 2009

Roman Cindy Manche au soleil - chapitre 8 : Des médias pas vraiment médiums

Si vous n'avez pas lu les épisodes précédents, découvrez les dans la colonne de droite 

Il n'avait fallu que quelques secondes aux agences de presse, radios, télévisions, sites d'infos en ligne et autres médias pour reprendre la nouvelle : un patron de grande entreprise avait mis fin à ses jours sous la pression de ses salariés. Il ne fallut pas plus de temps pour que des équipes armées de micros et de caméras viennent envahir le parvis de la tour. D'intrépides journalistes s'approchèrent des employés responsables de la mort de leur patron pour les interroger sur leur attitude. Etaient-ils conscients de la gravité de leur comportement, de l'impact de leur attitude revendicatrice, systématiquement opposée au patronat ?

La belle allure d'Eva Kanss attira une nuée de reporters curieux. A l'écran, elle serait impeccable : elle était l'incarnation idéale de la beauté venimeuse. Eva Kanss fut flattée de tant d'attentions. Oui, elle allait répondre à leurs questions, évidemment, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour éclairer leur lanterne, bien sûr, elle pouvait témoigner...
« Connaissiez-vous personnellement Bernard Cèlement ? », entonnèrent en choeur la cohorte des investigateurs.
« Pas vraiment, comme tous les patrons, Bernard Cèlement préférait rester dans son bureau du 13e étage. Mais, il savait se montrer au bon moment : discours des voeux, annonce de plan de sauvegarde de l'emploi... »
« Cela vous choquait ? », coupèrent les enquêteurs.
« Pas plus que ça, les patrons agissent tous ainsi. »
Eva Kanss aurait dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche. La prise était parfaite, dans la boîte pour les journaux de 20 h. Ce soir Eva Kanss serait le symbole de l'incompréhension des employés face aux problèmes de leurs patrons.

Adam Longh observait de loin Eva Kanss tout en écoutant dans son oreillette la voix de Philippe Odevain lui narrant en direct les retombées formidables de son opération-suicide qui, à la demande du conseil d'administration et pour plus de discrétion avait été baptisée du nom de code France Mélacom. Philippe Odevain s'interrogeait d'ailleurs sur le pourquoi du comment de ce code. Il avait été choisi, disait-on, en souvenir d'une grosse entreprise aujourd'hui disparue et qui avait longtemps tenté des expériences managériales inédites. Adam Longh fut soudain las d'entendre l'imprécation du conseiller de l'ombre. Il avait du pain sur la planche, lui. Il devait prendre le pouvoir officiellement et surtout écrabouiller Eva Kanss avant qu'elle n'engendre le chaos en cherchant à comprendre des choses qu'elle devait seulement ignorer...

Alors que toutes les horloges des ordinateurs de La Société marquaient 12 h, Cindy Manche saisit le pénis recouvert de graines germées et tout juste échappé de la boîte bento. Devant les yeux horrifiés du pauvre Hector Boayeau qui décida une fois pour toute d'en finir avec la bouteille, elle sortit un mouchoir en papier de sa poche et essuya le membre abandonné.
« C'est sans doute, le sexe d'Armand Bitieux », dit-elle à voix haute.
« Le sexe d'Armand Bitieux ? Interrogea Hector. Mais comment le savez-vous ? »
Devant l'air effaré du clochard, son teint brusquement livide et son ton vraiment surpris, Cindy décida qu'elle devait suivre son instinct et faire confiance à ce pauvre homme. Elle avait bien besoin d'un allié.
« Je le sais car j'ai vu le corps inanimé d'Armand Bitieux au deuxième sous-sol. Non seulement, il était mort et bien mort mais l'état de son slip laissait penser qu'il avait été privé de sa virilité. »
Hector Boayeau avait certes le cerveau usé par des années d'abus d'alcools divers et variés mais il fit immédiatement le rapport entre le cadavre caché dans le rouleau de moquette et l'histoire de cette femme à l'inoubliable postérieur.
« Je crois savoir où se trouve à présent le corps d'Armand Bitieux », dit doucement Hector.
Cindy s'approcha de son nouvel ami. Elle avait fait le bon choix en misant sur ce pauvre homme et se sentait totalement indestructible. Sa méthode de méditation transcendantale interurbaine avait, une fois de plus, fait ses preuves. Et, si elle avait un petit coup de mou, elle pourrait se replonger dans la numération des pellicules peuplant les épaules de son compagnon d'infortune.
« Avant que vous m'en disiez plus, je crois qu'il serait bon de nous présenter. Je pense que nous allons devoir passer un bout de temps ensemble. Je m'appelle Cindy Manche. Je suis, disons plutôt vue la situation, que j'étais, assistante du directeur du service comptabilité de La Société, Armand Bitieux. »
« Enchanté, répondit Hector Boayeau qui voyait dans cette rencontre le moyen de mettre un peu de piment dans un quotidien devenu bien terne. Mon nom est Hector Boayeau, je vis ici depuis que La Société m'a licencié de manière très brutale provoquant dans ma vie un tsunami économico-amoureux. Je croyais que l'on me tolérait ici par pure bonté d'âme mais je pense, qu'en fait, les services de sécurité me gardaient sous le coude au cas où... Et le cas où est venu. »

Hector Boayeau ne croyait pas si bien dire. Au moment même où il prononçait cette phrase à valeur de prophétie, Hervé Yograin, décidait de gérer de front le rapatriement du corps raplapla de Bernard Cèlement vers un lieu plus tranquille et la découverte du corps d'Armand Bitieux dans une poubelle. Il valait mieux, à ses yeux, utiliser le chaos provoqué par la chute du Président pour livrer en pâture aux médias le cadavre castré de Bitieux. Il en avait, bien sûr, touché un mot à Philippe Odevain. Sa stratégie était simple : amplifier le scandale de la pression exercée par les salariés sur le patronat par la découverte de ce crime crapuleux sans doute commis par un ancien employé déçu. La Société deviendrait alors l'emblème de la souffrance des dirigeants. Un contexte idéal pour lancer une petite chasse aux sorcières. Grâce à cette crise, il serait plus aisé de dégraisser sans avoir à se justifier.

Philippe Odevain avait félicité le chef de la sécurité. Il parlerait de lui en haut lieu. Il le lui avait promis. En ces temps de changements, il allait y avoir des opportunités pour les hommes rusés de son genre. C'était, bien entendu, le discours officiel du conseiller. Car Odevain se méfiait de tout le monde et particulièrement des types comme Yograin toujours prompts à s'immiscer dans les affaires plus ou moins secrètes, au courant de tous les mouvements de La Société et derrière de nombreux actes scabreux. Au fond de lui, il était persuadé qu'il fallait se débarrasser d'Hervé Yograin et de son acolyte Filipo Lisse. Il avait d'ailleurs déjà en tête un plan pour en finir avec ce type. Il allait le prendre à son propre piège. Après tout, Hervé Yograin était l'assassin idéal d'Armand Bitieux. Il avait toutes sortes de mobiles notamment la jalousie : le chef de la sécurité était, en effet, bien connu pour ses échecs amoureux alors qu'Armand Bitieux tombait les assistantes les unes après les autres... Il nota dans son Blackberry. « Yograin end over » afin de ne pas oublier de régler cette affaire au plus vite. Et puis, il avait un homme de confiance à placer, son vieux copain qui lui avait si souvent rendu service, Enrico Micion. Son fidèle ami était un excellent second couteau et ferait un parfait espion à sa solde dans La Société. Alors qu'il était tout à sa réflexion, il reçut un message urgent. Le conseil d'administration avait décidé de réquisitionner la cantine pour exposer le corps -bientôt embaumé par les plus grands spécialistes- de Bernard Cèlement. Les salariés pourraient ainsi faire amende honorable devant la dépouille et expier leurs péchés. Adam Longh avait déjà mandaté Nasser Virlasoupeux pour organiser un parcours de la mémoire dans le réfectoire.

Bien au-dessus de tout ça, Cindy et Hector essayaient de trouver une solution pour quitter discrètement La Société.
Cindy car elle craignait de devoir rendre des comptes sur la défénestration du Président voire sur son rendez-vous souterrain avec Armand Bitieux.
Hector car il craignait d'être le coupable idéal d'un directeur de service comptable. Et, il y avait toujours, en plus, un pénis sectionné au milieu de tout ça.
Cindy, boosté par sa méditation prit le taureau par les cornes. : « Allez debout, grimpons encore un étage et voyons si nous ne pouvons pas passer à un coup de fil à la presse pour raconter notre histoire et trouver des alliés. Entre votre expérience et la mienne, on devrait avoir du succès. »
« Et cette chose ? » fit Hector en pointant son index sur le zizi qui avait pris une drôle de teinte brune.
Cindy l'enroula dans son mouchoir en papier et le glissa dans sa poche. Avant de quitter les lieux, Hector prit soin de ramasser la salade éparpillée sur les marches, de la remettre dans la boîte bento, de fixer le couvercle et de glisser la chose dans sa poche. C'est alors que, sous le tissu, la gamelle heurta le Backberry dérobé sur le cadavre du Président... Devait-il en parler à Cindy. Il décida, pour le moment, de la suivre sagement, hypnotisé par son sublime postérieur qui bougeait joliment au rythme de son ascension vers l'étage supérieur.



Philippe Odevain va-t-il vraiment avoir la peau d'Hervé Yograin ?
Eva Kanss sera-t-elle sacrifiée sur l'autel médiatique de la défense du patronat ?
Combien de temps Cindy Manche va-t-elle se sentir invincible ?
Hector Boayeau est-il totalement inoffensif ?
Mais qui donc a tué Armand Bitieux ? Ca fait quand même un bout de temps que cette affaire est en suspend !
Vous le saurez en lisant le prochain épisode du Roman-feuilleton du lundi.

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